Émile Pouget
Qu'on châtre la frocaille !
En attendant mieux
19 février 1899
Probablement issu du Père Peinard ? [incertain]
Repris dans Le Monde Libertaire du 31 janvier 2002
La semaine dernière, comme je donnais le dernier coup
de fion à mes flanches, les quotidiens racontaient la disparition
d'un mioche lillois, le petit Gaston Foveaux, que ses parents avaient eu
la criminelle trouducuterie de coller à l'école des ignorantins
de Notre-Dame-de-la-Treille.
— Encore un pauvret que les cafards ont étrillé ! que
je ruminai.
C'était là une si vague supposition que je posai ma plume
sans en faire part aux bons bougres.
Le lendemain, ma supposition était confirmée par les
faits :
Le petit Foveaux avait bel et bien été victime des ignorantins
! On avait dégoté son cadavre dans la cafardière et
aucun doute n'était possible. Tout de suite, les soupçons
des chats-fourrés se concentrèrent sur l'enfroqué
Flamidien et une chiée d'accablantes preuves vinrent préciser
les soupçons.
Le monstre a-t-il opéré seul ?
On ne sait pas !
Mais ce qu'on sait parfaitement, c'est que ses copains ensoutanés
n'ont pas ignoré le crime et qu'ils ont bougrement manœuvré
pour sauver la mise au Flamidien.
Ah, si les porcs avaient pu subtiliser le cadavre, le trimbaler au
dehors du couvent !
ils durent y renoncer. C'est alors qu'ils se décidèrent
à sortir la victime de sa cachette et à l'installer au milieu
d'un parloir, où, le lendemain les jugeurs le trouvèrent
sans recherches. Près du cadavre, les frocards avaient posé
une lettre qu'ils voulaient faire attribuer à l'assassin et qui
n'était qu'un boniment imbécile :
« Je suis socialiste, disait la babillarde, et j'ai tué
le petit Foveaux pour faire des misères aux prêtres... »
Ça sentait le cafard d'une lieue ! Turellement, ça n'a
pas pris.
Une autre manigance des enfroqués a été de dénoncer
un de leurs amis, bigot enragé et salisseur de gosses — mais qui
ne porte pas la soutane.
Si on avait pu rejeter l'assassinat du petit Foveaux sur le menuiser
Mulo, l'honneur des enfroqués était sauf.
Je t'en fiche ! Flamidien reste, malgré les manœuvres de ses
amis, l'empapaouteur et l'assassin.
Alors la jésuitaille a entonné un autre cantique :
« Pourquoi faire retomber sur une collectivité la responsabilité
d'un crime individuel ? »
Eh foutre, on n'était pas habitué à entendre les
jésuites argumenter ainsi. Il n'y a pas longtemps que ces mêmes
jean-fesse agonisaient les anarchos de sottises et, pour les actes d'un
seul, gueulaient qu'il fallait taper dans le tas.
donc, tant pis pour ce qui leur arrive : ils ont mis en circulation
des boniments qui se retournent contre eux — ils ont craché en l'air
Et le glaviot leur retombe sur le nez.
C'est bien fait.
Au surplus, il n'y a pas de comparaison possible entre l'acte d'un
anarcho et le crime d'un porc ensoutané.
Si un anarcho fout les pieds dans le plat et casse les vitres sociales
c'est qu'il est fichu à cran par les abominations ambiantes et qu'il
veut protester contre les vacheries des riches et des dirigeants.
À qui la faute ! A la société tout entière ! C'est
elle qui engendre la misère et l'oppression — c'est elle la responsable
des actes de révolte.
Les anarchos n'y sont pour rien : ils se bornent à constater
que tout va de guingois dans la société capitaliste et à
crier casse-cou.
Si vous dégringolez dans un précipice rendrez-vous responsable
de votre chute un bon fieu qui vous aura averti du péril et que
vous n'avez pas écouté ?
Évidemment non !
Hé bien, les anarchos ne sont rien de plus que des avertisseurs.
Or donc, entre eux et les cochons ensoutanés il n'y a pas mèche
de dégoter un semblant de rapport.
Les enfroqués sont des feignasses qui, s'ils étaient
restés des hommes, n'auraient pas été ni plus malpropres,
ni plus méchants, ni plus criminels que le premier venu. Mais ils
ne sont pas restés des hommes ! Ils se sont isolés, se sont
créé une existence à part, une vie anti-humaine...
Il n'y a donc rien d'épatant à ce qu'ils arrivent à
être des monstres.
Et il n'y a pas d'erreur : étant donné les circonstances
et l'influence du milieu, les porcs du calibre de Flamidien sont une résultante
fatale du ratichonisme.
Aussi a-t-on raison de s'en prendre non seulement au cochon sur qui
paraît peser la responsabilité individuelle du meurtre du
petit Foveaux, mais encore à ses copains, — à toute la frocaille,
à toute la jésuitaille.
*
**
Les mœurs contre toute nature sont le produit inévitable de l'amoncellement
des types d'un même sexe : dans les prisons, il se passe de sacrées
malpropretés et c'est kif-kif aux biribis africains.
La frocaille ne peut pas échapper à la fatalité !
bien au contraire, le vœu de chasteté que les ensoutanés
prononcent les prédispose à toutes les cochonneries : ce
voeu les tourneboule, la luxure les brûle et ils se vautrent vite
dans toutes les salauderies !
quand les ensoutanés sont des ignorantins qui se spécialisent
à l'abrutissement des gosses — malheur aux petiots !
Les bons bougres qui ont eu la déveine d'aller chez les frères
ne me démentiront pas : les Flamidien sont légion !
Il n'y aurait qu'un moyen de foutre les enfroqués à l'abri
du vice malpropre : ce serait de les chaponner !
Y a que ça, les châtrer !
Et dam, quoi de drôle ?
Puisque ces porcs jurent de rester chastes, il n'y a pas de mal à
ce qu'on les fiche dans l'impossibilité de succomber à la
tentation ; une fois châtrés on pourrait les laisser courir
en liberté, sans crainte qu'ils violent leur parole et les gosses.
Mon idée n'a d'ailleurs rien de loufoque : un saint du calendrier
crétin, Origène, qui n'était fichtre pas une foutue
bête, se fit l'ardent champion de la castration des curés.
Le bougre était évêque — et il prêcha d'exemple,
nom de dieu !
Il se fit chaponner !
Malheureusement, son exemple n'a pas été suivi.
C'est que la frocaille ne fait vœu de chasteté que pour cacher
son jeu : n'ayant pas de famille, ayant brisé tous les liens sociaux,
ces animaux arrivent vite à exécrer l'humanité ; ils
sont ainsi plus à même de faire du mal au populo en nous introdufubilisant
leurs mensonges ; quant à leurs passions, loin de les réfréner,
ils les assouvissent sans mesure... Et ils arrivent ainsi à être
à tous points de vue — tant au moral qu'au physique — de parfaits
jésuites, des monstres complets !
*
**
Les bouffe-galette sociales parlent de pondre une loi qui interdise
aux enfroqués de faire l'école.
C'est un remède idiot ! Ça n'empêchera pas les
prêtres de souiller nos mômes.
Ma binaise est bougrement plus efficace :
Qu'on les châtre !
Ce n'est pas radical — c'est simplement opportun !
Le remède radical serait autrement galbeux... Un petit coup
de chahut sérieux et la frocaille ne nous emmiellerait plus...
En attendant, le chaponnage a du bon !
Les montreurs de vipères ont soin d'arracher les crocs venimeux
aux reptiles de leur collection.
Qu'y a-t-il de drôle à ce qu'on opère identiquement
vis-à-vis des cafards ?
Puisque nous sommes d'assez foutues andouilles pour laisser ces bêtes
venimeuses circuler au milieu de nous, la plus élémentaire
des précautions est de les mettre dans l'impossibilité...
de mordre !